C’est quoi le burn-out ?
Aujourd’hui tout le monde en parle, mais que recouvre ce concept anglo-saxon? Comment le prévenir ? Créatrice du concept d’Hédo-performance®, Anne-France Wéry fonde sa pratique de coach sur le plaisir au travail et accompagne les individus, les équipes ou les organisations pour retrouver la cohérence et éviter les excès qui engendrent le burn-out.
Anne-France, pour toi, c’est quoi le burn-out ?
Ma définition, empirique, est basée sur 20 ans d’expé rience de vie en entreprise. C’est un mal global lié à une évolution sociétale qui tourne carré plutôt que rond. On a besoin de se repositionner car on est passé d’une organisation collective à une énergie d’individuation. Aujourd’hui les gens manquent de repères et doivent trouver leurs points d’appui en eux-mêmes. Il y a aussi une fragilisation du lien social, une perte de dynamique relationnelle à force de baigner dans les réseaux sociaux, dans le surlien. Enfin il y a une survalorisation du présent, de l’immédiateté. Tout est pour tout de suite, avec pour corollaire une grande difficulté à s’inscrire dans le temps. Les gens que je rencontre ont de grosses difficultés à rester acteurs, ils deviennent produits. Je le distingue aussi très fort de la dépression dans les accompagnements que je mène. Le burn-out n’est pas un état dépressif, c’est quelque chose qui se vit à un moment donné et peut s’accompagner pour se terminer alors que l’état dépressif, plus pathologique pourrait se rejouer ou se revivre de façon plus récurrente.
Je définirais le burn-out comme une incohérence, un désalignement, une consumation de soi de l’intérieur.
En tant que coach, Anne-France, quelle est ta démarche pour prévenir le burn-out ?
En créant le concept de l’Hédo-performance®, j’ai voulu relier travail, plaisir et performance. Car c’est le plaisir qui engendre la performance et non l’inverse. Pour avoir du plaisir, il faut bien sûr de la convivialité et de la passion, mais mon credo c’est qu’il faut surtout de la cohérence, pour ne pas tomber dans l’excès. Car le burn-out, c’est de l’excès. Dans la prévention, mon approche individuelle, relationnelle et systémique. Ces 3 sphères sont le cœur de mon accompagnement.
La première, c’est moi par rapport à moi : comment je m’aime, comment je connais mon impact, comment je me génère du stress, comment je l’évite,… La démarche consiste donc à voir s’il s’agit d’un burn-out individuel. Si c’est le cas, on aide la personne à s’affranchir de la pression et du regard des autres, ou de ses blessures d’enfance, et à se sentir autonome.
La deuxième sphère, c’est moi dans la relation aux autres : le burn-out peut être déclenché par une mauvaise relation avec son n+1, ses collègues, ses collaborateurs. Dans la prévention du burn-out relationnel, on s’assure de la façon dont, dans une équipe, les liens s’articulent et rendent chacun important. On s’assure qu’on a de la valeur l’un pour l’autre.
La troisième sphère c’est le burn-out systémique : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui je continue à m’enchanter pour l’entreprise dans laquelle je travaille. Comment l’organisation permet-elle à chacun de se réaliser. Si je ne me retrouve plus du tout avec les valeurs de mon organisation, si je suis en perte de sens ou de vision ou de projet je vais me sentir désaligné et en incohérence. Ce que je travaille dans la prévention c’est l’alignement, la fluidité, la cohérence entre moi par rapport à moi, mon autonomie, mon identité, moi dans la relation à l’autre et moi dans la relation au système
Anne-France tu parles d’une démarche sociétale ? Comment se concrétise-t-elle ?
Dans la prévention, nous travaillons à partir d’une analyse des tendances sociétales qui montrent l’évolution du leadership aujourd’hui en partant du l’affirmation que nous sommes tous leaders. Cette analyse nous a permis d’identifier 7 axes de progrès sur lesquels le coach peut travailler pour aider la personne, les équipes ou les organisations à répondre à ces critères de bon leader. Il y a le leader collaboratif, équilibré, audacieux, résilient, ouvert, authentique et responsable. Avec ces 7 leviers, on peut prendre le baromètre d’une équipe et définir par exemple qu’il y a énormément d’audace mais un déficit d’équilibre ou d’ouverture. Il s’agit d’un travail collectif, relationnel et individuel. Les trois sphères sont là pour identifier la porte d’entrée où le bien être pourrait coincer. Les 7 axes de leadership invitent une équipe à capitaliser sur ses points d’appui et à canaliser ses dysfonctionnements.
Qu’en est-il du rapport au corps dans ton approche ?
Si je m’appuie sur un baromètre détaillé, dans la pratique mon approche est simple et empirique, basée sur le dialogue, le corporel, au cœur de l’espace de parole. Quand je fais de la sensibilisation via des lunchs and learn, tant en entreprise qu’en milieu hospitalier, j’associe à l’analyse des sphères et des axes du travail corporel, de la méditation, des petites séances d’EFT.
Si tu avais un message à faire passer par rapport à la prévention du burn-out, quel serait-il ?
C’est de ne pas attendre d’aller mal pour aller bien. Accepter une démarche de développement personnel et collectif est un superbe levier vers un nouveau paysage qui reconfigure de nouvelles relations au travail et ça c’est l’enjeu d’aujourd’hui.
Et je pense aussi qu’il est important de bien remettre les choses à leur place, c’est-à-dire de se défusionner de son travail. Un conseil c’est de bien prendre conscience que je ne suis pas que ce que je fais, Je ne suis pas mon travail et mon travail n’est pas moi. Je suis d’une richesse extraordinaire. Il faut donc se déculpabiliser car nous sommes tous concernés par cette pathologie sociétale.
Et si le burn-out est contagieux, la prévention peut l’être aussi.
(propos recueillis par Christiane Thiry pour Psychologies Magazine, novembre 2014)
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